L'impact environnemental du secteur numérique. Par Salomé VANDERVAEREN

L'impact environnemental du secteur numérique. Par Salomé VANDERVAEREN




Moins de plastique, moins de voitures, plus d’arbres, une consommation de nourriture et de vêtements raisonnée. Toute le monde a pris conscience que ces changements radiaux sont le prix à payer pour garder la terre viable. Synonymes de progrès, les nouvelles technologies semblent être une béquille indispensable pour limiter les dégâts de la démesure de l’homme. Dans l’imaginaire collectif se construit alors la ville du futur: verte et connectée. Qucit est un bon exemple: en utilisant l’intelligence artificielle, ce projet a pour but de créer la ville du futur, où l’urbain est designé en fonction des sentiments du public. Rendre la ville plus viable via une plateforme logiciel, une anticipation de la demande des transports, autant de promesses qui présentent une ville propre. Et si cette projection était délusionnelle?


 
"avec 4% d’émission des gaz à effet de serre, le numérique consomme plus que les avions".

Rares sont ceux qui alertent sur le poids du secteur numérique dans la pollution. Mais l’internet est un domaine énergivore, et qui le devient de plus en plus. Le rapport du Shift Project sur l’usage de la video en ligne a lancé un chiffre choc : avec 4% d’émission des gaz à effet de serre, le numérique consomme plus que les avions. Et cette part est en constante augmentation.

Cette responsabilité dans la pollution est difficile à conceptualiser. Et pour cause, le champ lexical de l’immatériel qui est associé au numérique : les données ne sont pas palpables, on ne peut pas les imaginer joncher le sol et l’océan. Mais le flux des données est toujours plus rapide, toujours plus dense, sont stockées.

Une étude au CNRS a analysé que la consommation électrique est due pour 30% aux équipements terminaux, 30% aux data centers et 40% aux réseaux. Les raisons de cette pollution?

Pour cerner le domaine du numérique le plus polluant, le Shift project a mené une étude sur la vidéo en ligne. Le visionnage de vidéos en ligne a généré en 2018 plus de 300 MtCO2, soit autant de gaz à effet de serre que l’Espagne, ou près de 1 % des émissions mondiales. Elle note aussi que les vidéos représentent environ 80% du flux mondial de données.



Vers la sobriété numérique?

En conséquence de cette étude, Shift project propose une solution qui est la sobriété numérique. Il s’agit d’une manière de consommer le numérique qui sera proche des solutions actuelles concernant la consommation matérielle. Shift project insiste sur le fait que c’est aux normes juridiques de réglementer cette consommation. La législation permettrait de forcer un changement rapide, changement qui au fur et à mesure  se transformerait en courant de pensée.

Mais intervient dans cette question la neutralité du web, et l’accessibilité à tout les contenus. C’est une dimension qui n’existe pas dans la consommation matérielle, qui demande de l’argent pour chaque bien acheté, alors qu’internet a été créé dans une optique de flux infini de données. Réguler l’utilisation du numérique, une fois les difficultés de mise en place évacuées, porterait atteinte à ce principe de base.


Concernant les data centers, certains grands acteurs du numérique profitent du manque d'informations du grand public pour faire des déclarations incohérentes, comme Jeff Bezos : « We are in the process of destroying the planet », affirmati-il récemement, alors pourtant qu’Amazon est le GAFA le moins avancé en terme de prise en compte de l’environnement. Les GAFA basent leur activité sur le flux des données, stockées dans des data centers. Ceux ci sont énergivores car ils nécessitent un apport constant d’électricité, sans la moindre pause.


Les GAFA grands pollueurs du numérique?

D’autres acteurs, comme Facebook ou Apple, se flattent de faire fonctionner leurs data centers à l’énergie renouvelable, à 100% depuis 2013 pour Apple. Mais la chaleur dégagée par les centres reste très nocive pour l’environnement. Quelle serait la solution pour ce problème? C’est aujourd’hui le free cooling qui est le plus utilisé, c’est à dire un refroidissement grâce à l’environnement des pays du nord. Mais dans le futur, lorsque le réchauffement inexorable de la planète aura lieu, comment les data centers vont-ils continuer à fonctionner? Plusieurs signes indique la nécessité d’un changement radical dans la manière de stocker les données.

La question se pose alors de soigner le mal par le mal.

De plus en plus de logiciels et applications essayent de faciliter la protection de l’environnement. C’est le cas par exemple de Clean Fox, une application qui nettoie les boîtes mails des newsletter et autres mails inutiles. Car rien qu’un simple mail relâche énormément de CO2 dans l’atmosphère. Selon un rapport de l'Agence de l'environnement (ADEME) l'envoi d'un mail de 1Mo représente pour toute sa vie environ 19 grammes de CO2. Sans aucune valeur ajoutée, la pollution est constante, et inconsciente.

Karos organise un covoiturage presqu’immédiat. Cela permet ainsi de réduire le nombre de voitures, mais cela demande aussi un brassement de données considérable. De quel côté ce genre d’application pèse dans la balance écologique?

IBM utilise le big data pour anticiper le niveau de consommation de l’électricité, pour prévoir où mettre des éoliennes. Mais ces initiatives isolées sont-elles suffisantes pour contrecarrer les ravages d’une consommation irréfléchie et sans limite?

Tandis qu’une prise de conscience est nécessaire, sans conséquence elle n’est pas suffisante. C’est le secteur entier qui doit faire un volte face.

Salomé VANDERVAEREN


Salomé est étudiante à la Faculté de Droit de Montpellier dans laquelle elle va entamer un Master 1 Droit de l'entreprise à la rentrée après avoir validé sa Licence 3.