5 ans après le lancement de l’abonnement juridique illimité : quel bilan?

5 ans après le lancement de l’abonnement juridique illimité : quel bilan?



Le visionnage récent d’une (très belle) vidéo de Start Up Begins sur le lancement par un cabinet d’avocats parisien de l’abonnement illimité à destination des Start-Up, « du jamais vu » selon mes confrères de la capitale, m’a fait repenser au lancement de l’offre Getavocat… en 2014. C’est en effet à cette époque qu’est née l’idée d’abandonner la facturation au taux horaire et de prendre le risque d’offrir toutes les compétences d'un cabinet contre un abonnement mensuel. L'occasion de s'interroger :  quel bilan après 5 années de pratique ?



 
Le premier abonné de Getavocat est toujours abonné 5 ans après.

La première conclusion c’est un sourire : celui qui illumine votre visage quand vous constatez que 5 ans après, le premier, le tout premier client à avoir souscrit cette offre qui n’existait nulle part ailleurs est toujours client ! Quand la boîte a souscrit, elle n’était qu’une petite start-up de 3 personnes. Elle est aujourd’hui une belle PME qui bosse à l’international. Et c'est à la fois une fierté et un plaisir.
 
Bien avant le lancement de la première offre, il aura fallu 8 mois de réflexion pour bâtir le projet. Le schéma consistait à bouleverser totalement l’ordre établit chez les avocats : ne plus facturer à l’heure les prestations, mais au contraire s’orienter vers une facturation sous forme d’abonnement. Certes l’abonnement en lui-même n’était pas nouveau et même pratiqué par de nombreux cabinets. Mais il s’agissait souvent de très gros cabinets anglo-saxons et le client n’avait droit qu’à un quota d’heures quelque soit la solution proposée.
 
Il fallait donc pousser plus loin la disruption. L’idée est venue de l’étude de l’existant, du quotidien : l’usage de son téléphone, de sa salle de sport, de l’écoute de la musique, du streaming vidéo… Le consommateur était-il limité à une heure d’écoute de musique ? A n’utiliser son forfait téléphonique que 2 heures par mois ? Non. Certes, souvent ces offres avaient démarré de la sorte. Les plus anciens se rappellent par exemple la chasse aux heures gratuites de connexion à l’Internet : Oreka, M6web… On était alors aux balbutiements de l’Internet très grand public.



En 2014, la disruption dans le domaine de l’abonnement juridique, c’était l’illimité... en temps et en prestations!
 
Et la disruption dans le domaine de l’abonnement juridique, c’était l’illimité.
 
Ce fut donc chose faite. Le challenge était de taille. D’abord parce qu’il n’y avait pas de précédent connu. Ensuite parce que, naturellement, la première des craintes était celle du trop plein de demandes. Comment gérer un afflux trop important de demandes de rédaction de contrats, de conseils, d’audits ?

Comment trouver l'équilibre économique face au nombre de sollicitations? Où se situait le point d'équilibre?
 
L’expérience des 5 années passées à pratiquer l'abonnement illimité démontre que les entrepreneurs ne vous sollicitent qu’avec raison, quand ils en ont réellement besoin. Et même parfois pas assez ! Il y a quelques semaines, une agence web du Sud Est a renouvelé son abonnement, à ma grande surprise, après avoir simplement sollicité le cabinet sur deux contrats en 12 mois ! Je pensais l’affaire entendue. Mais le CEO a apprécié la relation établie et ce confort, cette sécurité apportée par l’existence d’une « direction juridique externalisée » pour son entreprise.
 
La difficulté, pour un petit cabinet sera celui du turn over et des défaillances. Si beaucoup renouvellent leur abonnement, d’autres – sans jamais y renoncer jusqu’à aujourd'hui sur un mode conflictuel – y mettent un terme et reviennent à un fonctionnement ponctuel.
 
Il existe aussi des défaillances économiques rendant impossible la poursuite de l’abonnement.
 
Il faut donc réussir à atteindre un seuil minimal d’abonnements pour rentabiliser la chose. Renoncer à la facturation horaire, c’est s’inscrire dans une logique de « groupe de clientèle ». Envisager la clientèle comme un tout économique et non individuellement. C’est la masse qui fera le succès ou l’échec de l’abonnement. A chaque cabinet, selon son importance et celle de ses charges, de trouver le point de rentabilité. On rentre vraiment dans une logique d'entreprise commerciale qui doit combiner la qualité du service rendu, la satisfaction de la clientèle et la rentabilité.
 


Chez Getavocat, l’habitude a été prise d’être au plus près des entreprises, c’est à dire par exemple, sur un chanel #legal dans leur Slack…

Les autres obstacles tiennent au spectre des compétences. L’avocat qui évolue dans sa zone de confort peut-être ultra réactif, ce d’autant que chez Getavocat, l’habitude a été prise d’être au plus des entreprises, c’est à dire par exemple, sur un chanel #legal dans leur Slack… L’avocat se mue en contract manager au sein même de la boîte qu’il accompagne. Il n’est plus le tiers à l’entreprise que le vieux droit des affaires imposait. Considéré comme un véritable membre de l'équipe, la distance souvent imposée involontairement par l'image sociale collant à la robe de l'avocat s'efface au profit de sa véritable personnalité. On travaille plus détendu, plus en confiance. C'est toute la relation client qui s'en trouve bouleversée. J'exerce pour ma part depuis 17 ans. Après 5 ans de pratique d'abonnements illimités avec la clientèle, je peux dire qu'il y a eu un "avant" et un "après". Et pour rien au monde je ne repartirai en arrière...

Mais être au plus près, ça ne veut pas dire être géographiquement proche... Le tout premier client de Getavocat, 5 ans après... je ne l'ai toujours pas rencontré physiquement!!! Et c'est un autre enseignement de l'abonnement : inutile d'être géographiquement proche de l'avocat dès lors que vous acceptez d'utiliser les moyens de communication modernes : la visioconférence, le logiciel de workflow permettent d'être là de manière bien plus prégnante qu'en temps normal. Là aussi le bilan est positif pour l'avocat et l'entrepreneur : l'éloignement dans le cadre d'un tel abonnement ne pose aucune difficulté pratique et n'interdit pas une collaboration efficace.
 
Un plus grand cabinet devra donc veiller à former ses avocats à un mode de fonctionnement agile, où chacun sera susceptible de pouvoir s’adapter rapidement et simplement aux besoins du client. La déférence imposée par les anciens usages et les leçons de droit doivent s'effacer dans ce genre de partenariat où c’est le rapport d’égal à égal qui doit primer. L'heure de la pédagogie a sonné depuis bien longtemps dans nos cabinets. Le savoir, même juridique, n'est plus l'apanage des juristes. Il est à la disposition du plus grand nombre. La valeur ajoutée de l'avocat d'aujourd'hui, c'est sa capacité à mettre en musique l'ensemble des normes existantes et à les rendre audibles et utiles à sa clientèle.



La valeur ajoutée de l'avocat d'aujourd'hui, c'est sa capacité à mettre en musique l'ensemble des normes existantes et à les rendre audibles et utiles à sa clientèle.
 
Le petit cabinet compensera les lacunes dans certaines matières couvertes par un plus gros cabinet par le réseau : en permettant à ses clients de ne jamais être sans solutions grâce aux compétences d’autres avocats, d’experts-comptable, d’assureur... Il faut alors veiller dès le début de la relation à rappeler au client qu’on ne peut être compétent en tout. Pourtant, jamais, pas une seule fois, ce ne fut source de « frottement » en 5 ans !

Le cabinet plus important, s'il détient en interne l'ensemble des compétences permettant de répondre à ses clients marquera  des points qui pourront le cas échéant justifier aussi des tarifs plus élevés. L'abonnement illimité constitue indubitablement une brique supplémentaire pour ce type de structures.
 


Rien n'est plus rassurant pour une société que de pouvoir connaître avec certitude ses postes de dépenses.

Enfin arrive le confort de la visibilité. Et notamment celle des tarifs. Confort partagé autant par le client que par l'avocat d'ailleurs. Lançant cette nouvelle manière de faire du droit, je songeais en 2014 « accepterai-je seulement de rentrer dans un commerce n’affichant pas ses prix ? Accepterai-je de ne pas savoir avec certitude ce que je m’apprête à payer pour telle ou telle prestation ? ». Bien sûr que non.

L'abonnement illimité, c'est la possibilité pour une entreprise de budgétiser son juridique pour toute l'année comptable. Et rien n'est plus rassurant pour une société que de pouvoir connaître avec certitude ses postes de dépenses.
 
Et puis il y a aussi les expériences. Malheureuses ou heureuses, qui imposent de s’adapter De retirer une offre, de la remettre en ligne après l’avoir modifié.
 


Et demain? Demain : l'abonnement juridique illimité partagé!

Getavocat a  pu valider il y a peu un nouveau type d’abonnement  : l’abonnement partagé.
 
Là aussi le principe a été lancé il y a plusieurs années chez Getavocat : permettre à plusieurs Start-Up de souscrire à un abonnement juridique illimité et en partager le coût. Un « Groupon » de la prestation juridique en somme. « Foirage » total à son lancement, c’est via un accélérateur de start-up montpelliérain que la solution a été relancée cette fois avec succès.
 
Reste à la faire adopter aujourd’hui par les Start-Up en dehors d’un tel accompagnement. Un  nouveau défi permettant de réellement "produire le service juridique de façon inédite comme ça n'a jamais été fait avant" pour reprendre les termes un brin inexacts d'une consœur entendue dans la vidéo évoquée en entame....

Mais si Edwin Herbert Land disait vrai quand il affirmait qu' “innover, ce n'est pas avoir une nouvelle idée mais arrêter d'avoir une vieille idée”, je ne peux que me féliciter d'être enfin, après des années de solitude dans ce domaine, rejoint par une profession trop longtemps restée au garde à vous de ses traditions...