Startup et business du sexe : comment faire?

Startup et business du sexe : comment faire?



Et le sexe dans tout ça ?! Ben oui, la nouvelle économie se développe, les start-up regorgent d’idées novatrices, disruptives permettant  d’améliorer le quotidien des français, de leur faciliter la vie,  leurs habitudes. Et dans le sexe rien ? Je me rappelle cette discussion récente avec un jeune entrepreneur autour d’une bière : « le secteur où il reste tout à faire, c’est celui du sexe…mais il faut assumer, c’est pas facile ». Voilà sans doute le principal problème : nombreux sont ceux qui rêvent de réussir leur projet d’entreprise, mais peut être pas à n ‘importe quel prix. Et pourtant. Les avocats eux-mêmes ne se risquent guère à écrire beaucoup là-dessus. Et bien c’est décidé, aujourd’hui dans Getavocat, on parle CUL ! (Comment Utiliser les Lois, bande de cochons…)
 
Un grand philosophe du 20ème siècle que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître et qui s’appelait Coluche a dit ceci : « Si j’ai bien tout compris, le monde aurait deux problèmes d’importance : que l’un serait le cul, et que l’autre serait le fric. Moi, je me suis dit, comme tout le monde a un cul, je vais m’occuper du fric. Erreur ! En fait, le plus grave problème, c’est le cul. »
 
Et l'avocat que je suis de rajouter immédiatement en la matière "...et toutes les problématiques juridiques qu'il soulève dans le domaine du business...".

Vouloir investir le domaine de l’adulte comme le disait habilement un des clients pour lequel le hasard a voulu que j’intervienne récemment peu de temps après cette fameuse conversation échangée sur l’économie du sexe avec un startupper, vous confronte à des difficultés sans doute plus aigües que dans d’autres domaines. Ainsi ai-je eu à effectuer une étude de faisabilité juridique sur le lancement d’une plateforme de « massages sensuels ». Pour ceux qui savent le massage sensuel, c’est le massage sensuel, pour les autres, c’est le massage sensuel c’est le massage avec toutes les parties du corps. Toutes…
 
Allez on se calme et on reste attentif, il s’agit de faire du droit jeunes gens !

Immédiatement plusieurs problèmes se posaient et notamment : quid de la légalité de l’utilisation du terme massage pour ce genre d’activité ? Quid de la légalité d’un contrat conclu pour effectuer une telle prestation ? Ou encore quid des risques d’engagement de responsabilité pour le titulaire de la plateforme  sachant qu’à l’inverse de beaucoup d’autres domaines, le risque pénal doit ici aussi être envisagé.
 
Pas simple.
 
Mais finalement les problèmes se traitent les uns après les autres et même si la notion de risques doit faire l’objet d’une analyse plus fine de la part de l’entrepreneur avec l'aide de l'avocat (dont la conscience professionnelle l'aura évidemment conduit à se rendre sur les sites webs concernés par le projet pour les analyser en profondeur, enfin si je puis dire...), si les précautions requises sont prises, le développement d’un tel projet ne tombe pas dans le domaine de l’interdit.
 
Je n’évoquerai pas l’ensemble de l’étude que j’ai réalisé ce serait trop long, focalisons nous plutôt sur les points les plus sensibles, par exemple la légalité d’une convention réglementant le massage sensuel. Alors autorisée ou pas?
 
L’article 1128 du code civil  pose un principe très simple : « Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions ». Question suivante  : la pratique précise du massage sensuel doit elle-être classée dans la catégorie des choses qui sont dans le commerce ou des choses qui n’y sont pas ? La spécificité de l’activité envisagée en l’espèce est celle du caractère « sensuel » de l’opération. L’encyclopédie en ligne Wikipédia définit ainsi le terme « sensualité» : « La sensualité est l'attachement aux plaisirs des sens. Il désigne aussi l'attribut, la qualité, l'acte, l'effet ou l'état de ce qui est sensuel. Ce dernier n'est pas obligatoirement lié à la sexualité ou à l'attirance sexuelle. ». J'en vois qui sont déçus...
 
La sexualité relevant de la sphère privée n’est pas envisagée par la loi dès lors qu’elle ne concerne ni des mineurs, ni des personnes vulnérables, ni d'ancien directeur du FMI en voyage à New York et dès lors qu’elle ne s’envisage pas dans le cadre de rapports contraints ou tarifés.
 
On a donc une première réponse de principe : une plateforme web permettant la mise en relation de personnes pour la réalisation de massages, fussent-ils sensuels, ne se heurte  donc pas de facto à une interdiction de principe sur le plan juridique et sa conception ainsi que sa mise en ligne peuvent être envisagées.
 
Mais on rebondit très vite sur une autre problématique juridique, elle beaucoup moins maîtrisable par l’entrepreneur : le comportement effectif des utilisateurs.
 
Je ne rentrerai pas dans les détails de la loi pour éviter de devenir ennuyeux mais pour vous la faire simple c’est notamment le délit de proxénétisme (225-5 à 225-12 du code pénal) qui doit être envisagé s’agissant du risque d’engagement de responsabilité. Dans cette prévention, la plateforme serait essentiellement concernée par le risque d’une qualification d’aide ou d’assistance de la prostitution d’autrui si elle devait être détournée de son but principal et que des personnes l’utilisaient en réalité pour proposer des relations sexuelles tarifées. Toutefois le proxénétisme est une infraction dite « intentionnelle » et pour pouvoir entrer en voie de condamnation une juridiction devrait donc démontrer que la personne poursuivie avait parfaitement connaissance des actes de prostitution.
 
Oeuvrer de manière pédagogique sur la définition du massage sensuel et faire en sorte de ne pas jouer sur d’éventuels amalgames laissant à penser que sous couvert de massages, la plateforme gère en réalité une centrale de réservation destinée à la prostitution suffirait-il ? Non si on parvient à démontrer que la plateforme avait connaissance de faits de prostitution pour un seul de ses utilisateurs. Et la problématique s’est renforcée récemment par une loi votée par l’assemblée nationale qui réprime désormais la personne sollicitant les services d’une prostituée. Cette loi risque donc d’exposer ce type de plateforme au développement de ce genre de pratique, quand bien même elle n’y serait pas destinée.

A ce stade on relèvera une certaine forme d'injustice : il est inévitable que les principales plateformes de rencontre et même les plus fameux sites de petites annonces que certains anciens futurs ou futurs anciens, ou tout à la fois, dirigeants ne connaissent même pas, soient exposés à ce genre de pratiques. Mais ces applications ou ces sites web se voient octroyer une protection factuelle liée à la thématique de la plateforme utilisée : sauf erreur de ma part, sur l'application Tinder ne figure nulle part une case à cocher avec la mention : "prestation sexuelle tarifée désirée - bénéficiez-vous d'un bon de réduction?"... Bien sûr dès lors que vous placez votre aventure entrepreneuriale sur le registre de "l'adulte", vous vous exposez plus...

Vous serez donc contraint à une prudence et à une vigilance importante pour mener votre projet à son terme. Mais ce ne sera pas suffisant si vous avez connaissance de tels faits et les tolérez :  rappeler l’ensemble des termes de la loi pénale aux utilisateurs du site afin de définir une politique de publicité à l’attention des utilisateurs la plus lisible possible pour dissuader les comportements illégaux, contrôler a priori les annonces déposées sur la plateforme, faire accepter une charte de "bon comportement" rigoureuse prévoyant des exclusions définitives du service en cas de violation des règles prévues, voilà autant d’éléments permettant de diminuer le risque d’engagement de responsabilité, mais pas de l’exclure totalement. Souci très pragmatique cependant : quel est le réel objectif poursuivi par vos utilisateurs? Le massage et rien que le massage ou ce qui vient après?... De la réponse à cette question dépend la viabilité de votre business.
 
On le voit donc avec cet exemple, oeuvrer dans le domaine de l'adulte n'est pas chose simple, dès lors qu'on souhaite créer de la proximité (ça va je nous ai pas encore perdu?...) entre les internautes. Rien d'illégitime là dedans quand on constate le retour à l'idée d'utiliser les fonctionnalités du numérique pour humaniser le web : faire en sorte que les gens se rencontrent et échanges des idées, des paroles, des projets... et plus si affinités, mais dans le respect de la loi. Plus que jamais, l'avocat est donc nécessaire (chouette chouette, ch... euh... pardon...) et son rôle sera d'autant plus important que la teneur du risque pesant sur le startupper intelligent ayant décidé de faire abstraction de la morale des braves gens que Brassens chantait si bien pour devenir le  ZUCKERBERG de l'économie innovante de l'adulte, est un risque à ne pas négliger.


Peace and Love les amis...