Les 10 commandements juridiques du développeur

Les 10 commandements juridiques du développeur



Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine, vivait le peuple des MhangeKod (mangeurs de code en français)… On pourrait commencer comme ça cet article tant le monde des développeurs est souvent situé à des années lumières du droit. Peut-être encore plus que dans d’autres domaines de création intellectuelle, les développeurs songent rarement que tout ce qu’ils produisent génère à leur profit des droits qu’ils ont vocation à négocier quand ils réalisent une prestation... ou qu'ils doivent respecter. Saches, Ô chevalier codeur, que des droits sur tes créations tu possèdes et que nombreux ils sont, même si en fonction de plusieurs facteurs, varier en intensité il peut leur arriver … Voici donc les 10 commandements juridiques du développeur!
 
 
  1. Sans formalisme, de la protection légale tu bénéficieras
Aucune démarche n’est nécessaire pour faire protéger vos droits en France. On est pas dans un système de copyright américain nécessitant un dépôt pour obtenir une protection. Je code donc je suis… protégé ! C'est l'article L111-1 du CPI (code de la propriété intellectuelle) qui le dit. Le seul bémol consiste à pouvoir prouver le cas échéant que vous êtes bien l’auteur du code.  
 
  1. Salarié, sur tes droits patrimoniaux tu t’assiéras
Les droits d’exploitation du code produit en qualité de salarié, pour le compte de l’employeur et pendant la durée de votre travail appartiennent à l’employeur (article L113-9 du CPI). Et c’est pareil si vous êtes fonctionnaire vis à vis de l’Etat (mais ça code un fonctionnaire ? ). Donc pour qu’il y ait cession automatique des droits patrimoniaux à votre boîte, il faut juste que vous soyez dans une situation de subordination juridique caractérisant votre qualité d’employé. 
 
  1. Salarié, d’aucune rémunération complémentaire tu ne jouiras
Le développeur salarié n’a droit à rien d’autre qu’à son salaire (sans doute) misérable en contrepartie du code (peut-être) génialissime qu’il a développé. C’est moche mais c’est comme ça. Vous avez le droit de bouder. 
 
  1. Des intérimaires et des stagiaires tu te méfieras
Cette règle est plutôt à destination des codeurs qui « sous-codent »… De la règle précédente découle une précaution à prendre vis à vis d’un stagiaire ou d’un intérimaire (voir cet article). Ces derniers n’étant pas « employés » de l’entreprise qui les accueillent, sont soit titulaires des créations réalisées (le stagiaire employé de personne), soit le relais "physique" de la transmission des droits vers une autre boîte (l’entreprise d’interim). Ce schéma risque donc de perturber la dévolution automatique des droits liés au code. 
 
  1. Indépendant : tout puissant tu seras
Si vous êtes indépendant, c’est vous le titulaire de l’ensemble des droits attachés à la création. Pour mémoire ils appartiennent à deux grandes familles : les droits moraux et les droits patrimoniaux, ces derniers comprennent le droit de représentation, le droit de reproduction (pas de notion sexuelle sous-entendue dans ce droit désolé…), le droit d’utilisation, le droit d’adaptation, le droit de distribution et le droit de location. Impossible d’être exhaustif dans un simple billet de blog visant à vulgariser des notions juridiques sincèrement complexes mais retenez qu’il s’agit là des droits qui sont monnayables.
 
  1. Des licences tu accorderas… ou pas
Le développement de logiciel pour un client sur la base d’une commande spécifique est un cas d’école. Dans ce cas de figure, on parle de logiciel de commande.  Deux solutions ici : soit vous choisissez de conserver les droits originels qui vous sont accordés par le CPI et vous accordez uniquement un droit d’utilisation via des contrats de licence, soit vous cédez ces droits dans un juteux (ou pas) contrat de cession de droits. 
 
  1. De la participation du client au développement tu te méfieras
N’oubliez pas la règle de base : celui qui développe c’est celui qui détient les droits susceptibles d’être monnayés, sauf situation de salariat (ou de fonctionnariat, mais vraiment, non, ça code pas un fonctionnaire, si?). Or il peut arriver que le client participe activement au développement du code et ne vous fasse intervenir que sur certains points qu’il n’arrive pas à résoudre ou qui le gonflent. Si tel est le cas, on tombe dans l’œuvre de collaboration (L113-2 et 113-3 du CPI) : si on doit résumer juridiquement : un beau bordel ! En effet dans ce cas de figure, ressortez guitare, élevage des chèvres et symbole peace and love parce que vous êtes dans la communauté : c’est la règle de l’unanimité qui présidera à toute décision concernant le devenir du code. Le bordel on vous dit… seule solution : un contrat pour régler tout ce mic-mac juridique ou tuer tout le monde. Vraiment pas souhaitable. Allez je vous épargne la notion d’œuvre collective, je sens que je commence à vous perdre…
 
  1. Les autorisations tu  vérifieras
Il arrive que vos travaux viennent se greffer à ceux d’un autre "dev" (forcément moins bon que vous). Dans ce cas, on parle d’œuvres composites. Ce genre de cas est assez fréquent et peut s'illustrer avec les fameuses licences Opensources qui mériteront un jour leur propre article dans ce blog. Dans ces cas, attention aux autorisations car sans elles, vous risquez de vous heurtez à des revendications futures si d’aventure vous n’avez pas pris la peine de faire les vérifications adéquates avant de développer votre code. Il faut encore ajouter que bien souvent les contrats de cession de droit prévoient des clauses de garantie : grosso modo si j’acquiers vos droits patrimoniaux sur vos codes et qu’un tiers m’assigne en revendication de droits, vous êtes tenu de me garantir contre toutes les conséquences financières de ce « désagrément »… Si vous avez signé un contrat avec ce type de clause, essayez l’Alaska, ça devrait être assez loin.
 
  1. D’un droit moral réduit tu bénéficieras
Votre droit moral sur votre code est définit par la loi : en l’espèce l’article L121-1 du CPI vous confère un « droit à la paternité ». Ca ne signifie pas que vous avez le droit de faire des enfants, mais bien que, comme tout dévoreur de code, vos enfants sont vos lignes de codes… Pour faire simple, votre droit réside dans le fait de faire figurer votre nom dans la rubrique « crédits » du logiciel et dans les documents de communication le concernant. Vous bénéficiez aussi du droit au respect de l’œuvre (L121-7 CPI) qui est réduit en matière de logiciel : sauf si un contrat prévoit le contraire, vous ne pouvez vous opposer aux modifications du soft si celles-ci ne portent atteinte ni à votre honneur, ni à votre réputation. Et en cas de litige, la charge de la preuve relative au préjudice pèsera sur vos frêles épaules. Je passe sur le droit de divulgation, rendez-vous dans la bibliothèque universitaire la plus proche de chez vous pour potasser ce point : demain y'a interro écrite. Enfin contrairement à votre voisin de palier peintre à ses heures perdues, vous ne bénéficiez pas du droit de repentir ou de retrait dont lui dispose sur ses toiles (même moches) si vous n’avez pas prévu cette possibilité par contrat (faut bien que les avocats bouffent un peu non?).
  
 
  1. Des « Boums j’t’attrape ! » dans tes lignes de code tu sèmeras
Allez on finit par une petite astuce que je distille à mes clients "dev" destinée à combattre la copie de code illicite. et qui généralment les amuse beaucoup. Le code est protégé par la loi dès que vous le pondez et sans démarches spécifiques nécessaire, je l'ai dit. Mais reste le problème de la preuve de l’antériorité de votre code. Sachez que vous pouvez déposer celui-ci, sous format numérique chez un Notaire ou un Huissier (mieux vaut le Notaire) pour avoir date certaine. Si vous êtes amené par la suite à prouver que le code de votre concurrent n’est que la pâle copie du vôtre il vous suffira de démontrer qu’il y a dans les lignes de code du malotru des développements parfaitement inutiles ou illogiques qui ont été placés à certains endroits par vos soins afin de permettre de prouver votre paternité sur le code qui a été contrefait. Difficile alors pour le vilain copieur, non seulement d’expliquer à un tribunal une telle situation mais aussi de tenter de persister dans sa revendication de la paternité du code. Ces « lignes de code scélérates » habilement disposées permettront de confondre le copieur et de lui faire couper les deux mains par un bourreau spécialement désigné par le Tribunal ( ...mais uniquement en droit saoudien). 

Voilà j'ai fini, vous pouvez vous remettre à bouffer du code...