Pour une informatique protectrice des libertés individuelles : quand la France donnait l'exemple.

Pour une informatique protectrice des libertés individuelles : quand la France donnait l'exemple.




Dans les années 70 la France a été à la pointe de la protection des libertés individuelles dans le domaine des nouvelles technologies résumée sous l'idiome "informatique". Depuis, la vitesse du développement des nouvelles technologies est devenue sidérante. Chaque année qui passe au 21ème siècle en vaut 10 passées au 20ème siècle et 50 passées au 19ème… Tels sont les faits et nous sommes désormais confrontés à un cycle non-interrompu de déferlement de nouveautés tant technologiques que comportementaux auxquels il faut faire face. Chacun doit faire aujourd’hui l’effort de relire « Du Contrat Social » de Rousseau publié en 1762. Il ne s’agit pas d’être pompeux, mais simplement de lire un ouvrage terriblement d’actualité à l’heure où notre législateur porte atteinte au principe de ce contrat social. Et ce faisant, quelques soient par ailleurs ses motivations, bonnes ou mauvaises, c’est au principe même de la démocratie qu’il porte atteinte. Loin, très loin de la qualité législative des années 70...

Le projet de loi sur le renseignement n’est pas un bon texte. Mais il ne soulève pas de question nouvelle. Le problème dans sa définition n’est pas compliqué à comprendre : comment trouver le juste équilibre entre préservation des libertés individuelles et accentuation de la protection des citoyens contre les atteintes violentes ? C’est la solution qui l’est. Le marteau a été créé pour contribuer à bâtir. Mais il peut tout autant être utilisé pour démolir. Voir pour tuer. Tout législateur qui s’apprête à créer un outil juridique doit donc s’imposer le questionnement suivant : mis entre les mains des mauvaises personnes, cet outil est-il potentiellement dangereux ?
 
S’agissant de la loi sur le renseignement, la réponse est 100 fois oui.
 
Je ne prétends pas dans un mini-post expliquer en détails la théorie de Rousseau. Mais chacun convient que l’un de ses principes fondateurs consiste pour le citoyen à accepter de céder une partie de ses droits naturels, parmi lesquels la liberté, pour permettre une régulation législative rendant possible le vivre ensemble à travers des lois votées par un législateur choisi par le peuple. Ainsi en va-t-il du droit à la sécurité.
 
Mais le contrat social n’est-il pas rompu quand les réglementations que l’on entend nous imposer pour cette sécurité portent en germe la négation potentielle des libertés individuelles issues de ce droit naturel qui fait l’homme ?
 
La France n’est pas équipée des outils adaptés aux défis que les nouvelles technologiques posent à son contrat social. Ou plutôt si. Mais dans ce que l’on appelle en droit la pyramide des normes, l’article de loi qui serait susceptible de mettre en place une protection adéquate contre toute tentative de viol législatif du contrat social, n’est pas assez haut.
 
Je l’ai déjà écrit, je le répète, il s’agit de l’article 1 de la loi du 6 janvier 1978 : "L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques".
 
Il est urgent que cet outil soit inscrit dans la Constitution et gagne ainsi ses galons de droit et liberté fondamentale, au même titre que la liberté d’expression ou celle d’aller et venir.
 
Il existe certes d’autres voies pour ériger un tel principe à un rang juridique susceptible de nous protéger tous. Mais elles sont plus longues, plus complexes et moins nettes que celle de la constitutionnalisation d’un article.
 
L’ère du numérique est passionnante. Elle lance un défi majeur aux acteurs juridiques contemporains à qui il appartient de préserver l’effectivité de l’héritage juridique qui nous a été légué par nos ancêtres.
 
Ceux-là ont écrit les textes fondamentaux en lettres de sang, tant la fin du 18ème siècle a été violent et meurtrier.
 
La mutation technologique de nos sociétés est en route depuis des années. Cette mutation technologique s’accompagne de mutations sociétales. Nous devons être vigilant à ce que les mutations juridiques qu’elle va générer ne modifient pas l’ADN de nos démocraties en taillant dans le contrat social à coup de loi sécuritaire. Le remède, tel qu’il est conçu, tuera un jour ou l’autre le patient.

Et si l'on me dit qu'il faut bien choisir entre sécurité et liberté, alors je réponds que je choisis de vivre dans un monde moins sûr, pourvu que cela soit en liberté...