Conduite autonome en France : un législateur à côté de la plaque...

Conduite autonome en France : un législateur à côté de la plaque...




Ca y est, ils viennent de se réveiller. Partiellement en tout cas. Un premier pas vient – enfin… - d’être franchit par les autorités françaises en matière de conduite autonome de véhicule terrestre à moteur. En effet, le 3 août dernier, a été promulgué l’ordonnance n° 2016-1057  relative à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques.
 
On parlera donc dans un premier temps sur le plan juridique de « véhicule à délégation de conduite », ce qui semble d’ores et déjà laisser à penser qu’on évite, dès la rédaction du texte, l’écueil de la notion de « conduite autonome » et son cortège de difficultés juridiques quant à la détermination des responsabilités en cas d’accident.
 
Mais que dit ce texte ? Attention accrochez-vous…
 
Tout d’abord que ne sont autorisés dans un premier temps que les tests expérimentaux dûment autorisés puisqu’il faudra obtenir « la délivrance d'une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l'expérimentation »  .
 
Comme on sait faire simple en France, on a décidé de créer un régime d’autorisation facile à obtenir (je plaisante bien sûr, on est en France hein ?...) : l'autorisation sera accordée par le ministre chargé des transports après avis du ministre de l'intérieur, s'il y a lieu après avis du gestionnaire de la voirie, de l'autorité compétente en matière de la police de la circulation et de l'autorité organisatrice des transports concernés.
 
Donc en résumé : ministre des transports + ministre de l’intérieur + gestionnaire de la voirie + autorité compétente en matière de police de circulation + autorité organisatrice des transports concernés.
 
Bravo les gars, toujours aussi fort dans le genre création d’usines à gaz administrative.
 
Mais ce n’est pas tout ! Comme ce n’était sans doute pas assez complexe, les rédacteurs de ce brillant texte n’ont rien trouvé mieux que de renvoyer le régime d’autorisation à la publication d’un décret en Conseil d’Etat. Si j’étais taquin je vous dirai donc rendez-vous en 2043 pour la publication dudit décret.
 
Vous croyez que c’est fini ? Ben non. Car qui dit administration, dit dossier à constituer ! Vous vous rappelez, vous êtes en France ? Et qu’est-ce qu’on y met dans ce dossier ? Et bien ça on sait pas. Ce serait trop facile. En fait pour le savoir vous devrez attendre un « arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité routière et des transports » qui fixera la composition du dossier de demande d'autorisation et le contenu du registre créé pour répertorier les autorisations accordées.
 
Voilà voilà…
 
C’est beau l’administration. Quand on sait que les « véhicule à délégation de conduite » circulent déjà sur nos routes (certaines Tesla notamment), on s’interroge sur la pertinence d’un tel texte, même pas opérationnel et débarquant dans notre arsenal réglementaire plusieurs années après les dates auxquels ils auraient dû être promulgué.
 
L’expérimentation a plus vocation à concerner le prototypage que le lancement et l’utilisation d’un système en série, fut-elle modeste. Un véhicule effectuant seul une manœuvre pour réaliser un créneau ou un rangement bataille est déjà un « véhicule à délégation de conduite ». Et ça fait plusieurs années que ce système est commercialisé.
 
Pour mesurer la compétence toute relative de nos gouvernants sur ces questions, songez que cette ordonnance, encore une fois incomplète et à côté de la plaque, intervient en août 2016 en vertu d’un texte datant… d’août 2015, en l’occurrence la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui prévoyait en son article 37 - IX : « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite, qu'il s'agisse de voitures particulières, de véhicules de transport de marchandises ou de véhicules de transport de personnes, à des fins expérimentales, dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié. La circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s'il s'agit de véhicules affectés à un transport public de personnes. 
Cette ordonnance est prise dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance. »
 
Allez les gars, encore un petit effort et vous devriez réussir à caler le cadre légal définitif avant l’avènement des voitures volantes…
 
D’ici là, on comprendra aisément que nos ingénieurs continuent à migrer de l’autre côté de l’Atlantique pour donner corps à leur projet dans des délais raisonnables.
 
Vous avez dit pathétique ?