Le Bon Coin modifie ses tarifs : quid des risques juridiques liés à la dépendance économique des utilisateurs?

Le Bon Coin modifie ses tarifs : quid des risques juridiques liés à la dépendance économique des utilisateurs?



Le Bon Coin vient récemment de modifier ses tarifs et cela provoque sur la webosphère un petit séisme économique. Nombreux sont en effet les TPE, PME ou indépendants à utiliser des plateformes de ce type pour écouler leurs biens et services, bénéficiant par ce biais de l'économie d'avoir à développer leurs propres outils. Mais ce fait divers vient rappeler que le phénomène de dépendance économique qui peut découler de ces rapports contractuels doivent être anticipés avec sérieux par les avocats rédacteurs de CGV. A défaut de l'avoir fait, le risque est en effet grand de voir la responsabilité contractuelle de l'entreprise mettant à disposition sa plateforme être engagée. Les dommages-intérêts qui peuvent en découler peuvent très vite prendre de lourdes proportions, surtout si le phénomène touche de nombreuses structures.
Ainsi peut-on lire ces témoignages sur 20 minutes : «Le Bon Coin a sauvé mon activité, mais aujourd'hui il va la couler», résume l'écrivain Phil Marso, qui possède une librairie à Paris, Megacom-ik, dont 80% de l'activité dépend du site. «Si je ne trouve pas de solution, je vais être obligé de fermer d'ici trois mois, pour tenir j'ai déjà vendu mon stock de livres à Chapitre.com.».

Sans doute convient-il de rappeler un point de droit qui prend une importance considérable avec la multiplication des plateformes en tout genre permettant à de petites entreprises de vendre leurs biens ou leurs services : l'opérateur économique qui est en situation de dominance économique doit être vigilant dans le cadre de la mise à disposition de sa plateforme à ne prendre aucune décision qui viendrait rompre de manière trop brutale l'équilibre de la relation contractuelle avec ses partenaires. A défaut, il peut voir sa responsabilité civile contractuelle être engagée par un partenaire devenu, de fait, dépendant économiquement de cet outil et qui verrait son activité mise en péril du fait d'une modification trop brutale et trop déséquilibrée.

L'enseigne CDISCOUNT a par exemple fort intelligemment inclu dans ses conditions générales à destination des professionnels utilisant sa plateforme un article 11-1 intitulé "Indépendance" qui dispose notamment que "Le Vendeur informera CDISCOUNT dès lors qu’il se trouverait en situation de dépendance économique à l’égard de cette dernière, les deux parties convenant de se rencontrer pour trouver des solutions préservant leurs intérêts respectifs."

Le contrat rappelle ensuite les raisons de cette disposition qui découle directement des exigences posées par le Code de Commerce et notamment les articles L420-1 et suivants ou encore de l'article L442-6 : "L’ensemble de ces informations est essentielle pour permettre aux parties de conserver des relations équilibrées et sereines, le Vendeur devant disposer d’alternatives dans l’hypothèse où il serait mis fin partiellement ou totalement à son inscription sur la Marketplace." CDISCOUNT dégage toute responsabilité́ au titre du choix stratégique que ferait le VENDEUR : de ne pas alerter CDISCOUNT ; et/ou de ne pas communiquer à CDISCOUNT les informations ci-dessus mentionnées ; et/ou en se privant d’alternative, de se placer en situation de dépendance. "

Cette rédaction est habile et peut devenir salvatrice quand un évènement du type de celui évoqué concernant Le Bon Coin survient. A défaut en revanche de telles dispositions, l'entité qui n'aura pas pris la mesure du risque généré par la dépendance économique de ses partenaires au modèle qu'elle a mis en place s'expose à des engagements de responsabilité potentiellement coûteux.