Le #BITCOIN est-il illégal?

Le #BITCOIN est-il illégal?


Compliqué le BITCOIN pour les personnes non-averties...

Certes on commence à en entendre parler de plus en plus quand on s'intéresse un peu au NTIC et aux news du Web. On sait que cette "monnaie" virtuelle (qui légalement en France n'en est pas une) commence sérieusement à inquiéter les Etats. Mais que faut-il en penser juridiquement? Doit-on s'en méfier ou peut-on s'en servir en respectant certaines règles de prudence élémentaires? Tentative de brève analyse grâce aux documents mis en ligne par la Banque de France et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

La Banque de France dans son Focus du 5.12.2013 nous rappelle ce qu'est le BITCOIN : "Créé en 2009 par Satoshi Nakamoto (qui pourrait être le pseudonyme utilisé par une personne ou une équipe de programmeurs), le bitcoin est une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir à la monnaie légale. Le bitcoin a été créé pour remplir les trois fonctions traditionnelles de la monnaie : (i) il représente une unité de compte, i.e. une unité standardisée qui permet de mesurer la valeur des flux et des stocks de biens, de services ou d’actifs ; (ii) il facilite les transactions commerciales et (iii) il permet de stocker une valeur pouvant être utilisée dans le futur."

Une première information d'importance nous est ensuite donnée quant à son statut légal : non il ne s'agit pas d'une monnaie ayant cours légal. La BDF tire argument du fait que le refus d'accepter le BITCOIN  comme instrument de paiement ne saurait conduire l'auteur du refus à se voir sanctionner au titre de l'article R642-3 du code pénal lequel pose que "Le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2e classe.".

Le BITCOIN n'est donc pas une monnaie... au sens où la loi l'entend. Pourtant le juriste s'étonnera que cette définition soit donnée par une formulation négative et semble-t-il, par défaut... On nous dit ce que n'est pas le BITCOIN par un raisonnement par analogie mais on ne nous dit pas ce qu'il est, faute justement de statut légal. Le législateur français et celui de BRUXELLES n'ont pas encore su réagir face à ce nouveau défi venu du Web.

L'émission du BITCOIN, continue la BDF, n'est donc pas, en l'état, illégale : "Sa mise en circulation ne violerait donc pas le monopole d’émission de la monnaie ayant cours légal des banques centrales".

Pas une monnaie, pas un instrument de paiement non plus continue la BDF, en tout cas au sens de notre code monétaire et financier puisque son article L315‑1, définit ce qui semblerait dans l'esprit de la plupart des gens s'en rapprocher le plus, à savoir, la monnaie électronique comme "une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement telles que définies à l’article 4, point 5), de la directive 2007/64/CE et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique".

Le BITCOIN n'est donc pas, juridiquement, en France, une monnaie électronique! 

Selon la BDF le BITCOIN est donc  dénué de garantie de prix et de liquidité et surtout, point essentiel pour le juriste : il est  "dépourvu de statut légal et de cadre réglementaire".

Stupéfiant de lire un tel constat (pourtant exact) pour un homme de loi s'agissant d'un outil qu'on appellera - à défaut de mieux -  de "valorisation transactionnelle". Pourtant la note d'information met notamment en garde contre "un risque juridique important lié à son statut de monnaie non régulée"... 

Certes, ce risque ne peut être nié, mais on s'interroge aussi par un raisonnement a contrario sur l'usage du BITCOIN. Car il est terriblement réducteur de limiter l'analyse du BITCOIN à son potentiel usage criminel. A ce jour, on a quand même jamais démontré qu'il avait été créé pour ça, loi s'en faut! Trafic de drogue, blanchiment, spéculation... Mais les autres usagers? Ceux qui décident d'utiliser cet outil de "valorisation transactionnelle" dans le cadre des circuits légaux, pourquoi ne pas en parler? Pourquoi n'évoquer que le volet délictuel ou criminel qui peut ressortir du BITCOIN? 

Imaginez un instant que l'on évoque l'argent liquide uniquement de la même manière : utilisé de manière anonyme, il sert à payer les livraisons de cocaïne, à acheter des armes dans les cités chaudes des banlieues qui serviront ensuite à perpétrer les pires délits. Passé son premier usage (et encore...) on ne peut identifier qui l'a utilisé et pour quel usage il a pu être échangé. Désolé de cette remarque un peu triviale, mais j'achète mon pain avec de la petite monnaie chaque semaine et non par virement bancaire... Certes le propos est caricatural. Mais définir le BITCOIN comme outil de spéculation, de fraude fiscale ou de support des trafics en tout genre, sans prendre la peine de faire le bilan des apports qu'il peut représenter l'est tout autant.

On ne peut donc que regretter que l'analyse qui nous est soumise n'envisage pas également les bénéfices d'une telle source d'échange. A vouloir à tout prix dénigrer, on donne fatalement envie de défendre... déformation professionnelle!

A lire la très rare documentation juridique sur le phénomène BITCOIN, on sent bien l'inquiétude et le désemparement des institutions traditionnelles. Le BITCOIN n'a rien d'illégal en soit, il est alégal, c'est à dire sans statut légal ou réglementaire. A y réfléchir un peu, n'est-il pas en réalité la première matérialisation d'un phénomène d'autonomisation du e-citoyen? A l'heure où l'on peut être traqué à chaque instant de la journée, ne représenterait-il pas une nouvelle forme de citoyenneté désireuse de refonder la notion de « privacy paradox » dans un sens plus conforme au respect des droits et libertés fondamentaux tellement bien rappelés en matière numérique par ce formidable article premier de la loi du 6 janvier 1978  : "L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques."

Bref, assumer le narcisissme numérique qui le nôtre (avouons-le...) mais jusqu'à une certaine limite que l'on fixerait soi-même et qui consisterait par exemple à interdire l'analyse de notre comportement de consommateur.

Que "les monnaies virtuelles n’entrent pas directement dans le champ d’exercice de la supervision et de la surveillance des autorités compétentes en matière de paiement" comme le précise dans sa note la Banque de France ne doit pas fatalement conduire à induire uniquement de la défiance vis à vis d'elles.  

Il est intéressant à ce titre de relire le rapport COLLIN & COLIN  sur la fiscalité de l'économie numérique (page 32 & 33) "Dans l’économie numérique, le développement des monnaies numériques est néanmoins susceptible d’atteindre de beaucoup plus grandes échelles tout en s’affranchissant des règles (fiscales) applicables sur le territoire. Il se manifeste de deux façons : la première consiste à créer une monnaie virtuelle propre à un écosystème bien délimité (...)la deuxième consiste à créer une monnaie virtuelle accessible à tous. C’est par exemple le cas du système Bitcoin, à la fois monnaie virtuelle et protocole d’échange sécurisé. Le bitcoin est une monnaie dont la politique d’émission est régie par un programme informatique conçu pour prévenir tout phénomène d’inflation et ainsi garantir autant que possible la convertibilité. La circulation des bitcoins s’appuie sur une architecture logicielle intégralement distribuée sur les ordinateurs de ses utilisateurs, sans serveur central. L’initiative de recourir au système Bitcoin est à l’initiative des agents économiques."

On notera qu'on parle ici de "monnaie", contrairement à la BDF.
 
Le BITCOIN permettra-t-il à une certaine forme de délinquance de s'exprimer? Sans doute. Mais il permettra aussi à des millions de citoyens honnêtes d'acquérir des biens et des services dans une légalité parfaite, alimentant ainsi le fonctionnement de l'économie mondiale. On craint naturellement ce que l'on ne connait pas ou ce sur quoi on estime ne pas avoir le contrôle et la genèse informatique du BITCOIN suscite naturellement ces craintes. Citant à nouveau le rapport ci-dessus on rappelera ce passage : "La plateforme de blogging Wordpress a ainsi autorisé le paiement en bitcoins afin de faciliter l’accès à ses services aux blogueurs de pays pauvres. En France, la plateforme Bitcoin Central bénéfice désormais d’un accord avec le prestataire de services de paiement Aqoba et le Crédit Mutuel pour opérer des comptes de paiement libellés en bitcoins".

En vérité le BITCOIN inquiète également les monopoles bancaires. Là encore, la lecture du rapport COLLIN & COLIN le confirme : "La banque est touchée par le numérique en plusieurs points de son modèle d’affaires. Le prêt entre particuliers, promu par des sociétés comme Lending Club, s’attaque aux positions des banques sur le marché du crédit. Le crowdfunding se substitue à elles sur les marchés du prêt aux entreprises. Les solutions de paiement conçues en marge du système bancaire se multiplient, avec PayPal ou Square et le développement à venir des solutions de paiement opérées par Google ou Facebook. L’introduction de monnaies virtuelles comme le Bitcoin est une innovation encore plus radicale."

Mais interrogeons-nous un instant : si la fin du monde était pour demain et qu'un bilan devait être tiré de l'apport de l'informatique sur la société des hommes, quel serait-il? Glogalement positif ou négatif? A chacun sa réponse. J'ai pour ma part ma petite idée et je fais mienne cette citation du très visionnaire d'Isaac ASIMOV :"Je n'ai pas peur des ordinateurs, j'ai peur qu'ils viennent à nous manquer".